À Reynerie, l’un des quartiers du Mirail, un immeuble a vu commencer des travaux de démolitions alors que des habitants vivent toujours à l’intérieur. Face à cette aberration les habitants ont formé un collectif pour demander l’arrêt des travaux et ont défilé le mercredi 22 mars à travers le quartier.
Ce projet de destruction concerne plus de la moitié de Reynerie, pourtant des immeubles reconnus pour leur grande qualité, ce qui est assez rare pour le souligner. Des architectes se sont mobilisés pour soutenir la demande des habitants d’arrêter les travaux.
À l’origine le quartier a été conçu par l’architecte Georges Candilis. Son projet était de lier lieux de vie, avec des parcs et un lac, et lieux de travail dans un espace où il était possible de se déplacer à pieds. Le projet était ambitieux et permettait d’envisager un excellent cadre de vie. Les immeubles sont d’ailleurs malgré leur ancienneté en excellent état, bien meilleurs que ceux construits récemment.
Mais depuis les années 60, années au cours desquelles ce projet a vu le jour, les entreprises ont été fermées et délocalisées, le chômage s’est donc accru, et les bailleurs sociaux ont appliqué une politique honteuse pour rassembler les familles les plus pauvres dans des immeubles qu’ils n’ont pas entretenu comme moyen de «punir» les mauvais payeurs.
Cette gestion du quartier par les pouvoirs publiques s’est faite sans et contre les habitants, et à cela s’ajoute l’image conçue par les médias d’un quartier dangereux. Cette image est dans la continuité de la politique des bailleurs sociaux et de la ville, et de la gestion coloniale des familles immigrées. La mairie de Toulouse a d’ailleurs dit sans honte que le projet de destruction visait à «changer les têtes» dans le quartier. La réalité c’est qu’il existe un tissu associatif important dans le quartier qui tente de trouver des solutions aux problèmes des habitants, et le collectif contre la destruction de l’immeuble Gluck s’inscrit dans l’esprit de solidarité propre aux quartiers populaires. Les habitants prennent conscience que les décisions les concernant sont prises sans eux, qu’elles ne répondent pas à leurs besoins, et qu’elles nuisent à leur vie.
La question qui se pose c’est pourquoi détruire des immeubles de bonne qualité ? Pour avoir un élément de réponse nous vous renvoyons vers un de nos précédents articles
qui parle davantage de l’aspect économique du logement. Mais ce n’est pas tout. Les quartiers populaires en France concentrent le prolétariat urbain, ils concentrent aussi tous les problèmes : précarité, chômage, misère, difficulté à s’insérer dans la production, difficulté à s’insérer dans la société. C’est là que le sentiment de révolte est le plus fort et là où la volonté d’un profond changement de société est le plus vif. L’objectif de la gentrification est d’une part de permettre aux capitalistes de faire du profit, mais au delà de ça il s’agit d’éclater cette concentration perçue comme une menace et de la renvoyer toujours plus loin des centre-villes vers les périphéries. C’est pourquoi les quartiers populaires sont depuis des décennies progressivement rasés, défigurés, reconfigurés. Le racisme à peine voilé des institutions publiques permet de rajouter une justification de plus à ces destructions.
Ce jeudi 30 mars le recours déposé par le collectif d’habitants de Reynerie passait au tribunal administratif. La réponse du tribunal sera donnée mardi, les habitants ressortent en colère et déterminés à obtenir l’arrêt du chantier. Après Gluck un autre immeuble est visé par la destruction et les Chalets ont commencé discrètement à reloger les habitants. Le tribunal considère que si le permis est légal les travaux continueront peu importe qu’il y ait des habitants à l’intérieur ou non.
Dans de nombreux quartiers populaires la résistance s’organise, les habitants s’opposent aux projets absurdes et à la gestion anti-peuple des bailleurs qu’ils soient « sociaux » ou non. Lorsqu’ils interpellent les bailleurs ou les élus, ceux-ci leur claquent la porte au nez. Mais les habitants ne se résignent pas, ils se mobilisent en solidarité les uns avec les autres pour faire entendre leurs voix, en luttant ils peuvent faire pression. Il y a bien plus d’intelligence et de conscience dans les quartiers que dans les bureaux des administrations d’État, il suffit de voir l’ampleur du mouvement social pour le comprendre. Il n’y a que la mobilisation et l’organisation qui permettent d’arrêter les destructions dans les quartiers, et ce genre de mobilisation n’est qu’un début car c’est toute la vie des quartiers qui est à prendre en charge par les habitants eux-mêmes : vie associative, culturelle, tout est une question politique, tout problème a sa solution qui demande de prendre l’initiative et de sortir du cadre des institutions anti-démocratiques pour former de véritables organisations populaires.