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Elections : l’arbre qui cache la forêt

Le premier tour est sans appel, il n’y a pas eu de surprise. Pour le “peuple de gauche” la situation est dure, incompréhensible. Dans ces moments, la seule chose qu’il faut faire, c’est prendre de la “hauteur”, s’élever pour comprendre l’époque et pas seulement subir les évènements. C’est la mission de Nouvelle Epoque qui, depuis le début de la campagne, tente de montrer la réalité, ce qui est conforme au réel.

Ce qui est conforme au réel, c’est l’actualité de la lutte des classes qui anime le pays et le monde. Karl Marx a très justement dit que la lutte des classes est le moteur de l’Histoire ; et plus que jamais, la situation actuelle le montre. Dans les périodes de crise, où celle-ci s’aiguise, la réalité apparait devant nos yeux sans le voile trompeur de “la normalité capitaliste”. Il faut se saisir de la réalité et s’y accrocher fermement, malgré toutes les difficultés, afin d’agir de manière juste dans le grand mouvement de l’Histoire.

Les élections de 2022 par leur insipidité, la petitesse du pseudo débat démocratique et l’enjeu – qui se réduit à bloquer une nouvelle fois Le Pen ou évacuer Macron -, montrent comme jamais le caractère purement formel de la machine électorale. Les élections servent à légitimer la domination du capital, et tentent de cacher l’énormité de la dépossession collective que subit la société. Si les élections furent un arbre, aujourd’hui elles ne sont qu’un buisson moribond et la forêt, la puissance du capital, apparait par tous les interstices.

Tout cela se ressent par le dégout de la chose politique qui anime une grande partie des masses de France. Ce dégout, ce rejet, a comme plus intéressante réalité la perte de confiance dans l’Etat et ses institutions, aidée par le pourrissement de tout l’appareil contraint par le capital. Le mouvement anti-pass/anti-vax est l’expression de cet effondrement de l’Autorité, le vote Rassemblement National en est une autre expression. D’un autre côté, le vote « de gauche », lui, exprime l’espoir de pouvoir changer les choses dans le cadre actuel. Mélenchon a par ailleurs bien saisi l’époque, son premier appel post-résultats a été très clair :

Je connais votre colère mes compatriotes, ne vous abandonnez pas à ce qu’elle vienne à vous faire commettre des erreurs qui seraient définitivement irréparables. Tant que la vie continue, le combat continue ».[1]

Jean-Luc Mélenchon, au fond, dit que les masses ont toutes les raisons d’être en colère, mais qu’il ne faut pas sortir du cadre bourgeois, légal. Le « pire » pour lui serait une explosion incontrôlable : voilà le fond politique de l’opportunisme. C’est bien sûr un vœu pieux, un mensonge, car la violence est la grande accoucheuse de l’Histoire comme nous le disait Friedrich Engels. Nier cette réalité ne fait que renforcer la tendance à la réactionnarisation des masses, qui sont désespérées de leur situation.

          La vie, c’est le mouvement. La lutte des classes, son expression sociale, n’accepte pas le cadre contraint de la bourgeoisie, car il y a antagonisme. De quelles « erreurs » probables parle Mélenchon ici ? Il parle du risque qu’une partie des électeurs de gauche votent Le Pen pour virer la chose que les masses haïssent le plus : Macron, le pantin du grand capital. Comment peut-il encore faire la leçon au monde du réel ? Car oui, le monde du réel, ce sont les gens qui travaillent et qui n’en peuvent plus. Les idées découlent de la pratique et pas l’inverse, JLM devrait relire ses classiques et surtout s’immerger quelques semaines dans la vie du plus grand nombre. Il veut canaliser la colère à son profit : c’est ce que font tous les opportunistes, mais cela ne fonctionne qu’un temps. Le temps n’est plus à la demi-mesure.

Aujourd’hui, les masses naviguent à vue. La pression est forte et s’accentue dans le pays, le prochain quinquennat sera tout sauf calme.

Le principal est donc de ne pas se tromper. Nous devons prendre part de manière active à la lutte des classes en organisant une rupture politique franche, sinon nous laissons ainsi la possibilité au fascisme de faire son petit bonhomme de chemin. La rancœur, la haine, la colère, le désespoir sont des moteurs de la Révolution comme de la contre-révolution.

Le seul travail révolutionnaire c’est donc celui qui est conforme au réel, c’est-à-dire à la lutte des classes. La pression du capital en crise assoit toujours plus son pouvoir sur les masses : économiquement, la pression sur les salaires est brutale et l’inflation est vécue au quotidien et ne relève plus seulement de vagues tableaux édités par l’INSEE. Le taux de pauvreté n’est qu’un indice qui permet de voir la surface de la crise terrible qui touche de plus en plus de personnes. Tout cela, socialement, a une réalité. Les gens sont touchés dans leur chair, ils sont psychiquement cassés. La fatigue est massive, les cancers et maladies explosent. Politiquement, la crise continue à atomiser la classe, mais le processus de décomposition entraine déjà un processus de recomposition dans la lutte des classes, et pas en dehors. Il y a toujours deux aspects dans les choses. D’ores et déjà, le pays est traversé par mille luttes collectives et individuelles tentant de faire relâcher l’étreinte du capital.

La seule chose à faire est de mener un travail politique concret en partant des problèmes rencontrés au quotidien par les masses, notamment et principalement sur l’expression réelle de la crise : l’augmentation des prix, la stagnation des salaires. C’est, assurément, un travail long qui tranche avec “le court terme”. C’est un travail de propagande et d’agitation autour de choses simples, mais qui plante les graines de la politique, qui est la question du Pouvoir. Lénine exprime cela de cette façon :

« Il ne suffit pas de dire que la lutte des classes devient réelle, conséquente, développée, seulement quand elle embrasse le champ politique… Le marxisme reconnaît que la lutte de classe est complètement mature, « nationale », seulement non seulement elle embrasse la politique, mais de la politique l’élément essentiel : la structure du pouvoir d’État. »  

Il nous faut lier le particulier au tout, expliquer que les mille problèmes que les masses rencontrent au quotidien sont l’expression d’une seule et même chose, et que pour en finir il faut changer de système, c’est-à-dire conquérir le pouvoir. C’est un cheminement de pensée qui demande d’avancer par étapes, les choses se transformant dans la pratique. Les masses décideront de s’attaquer au pouvoir quand les révolutionnaires auront profondément fusionné avec elles.

Plus que jamais, il est temps de mener la lutte politique en partant de la réalité matérielle, comme l’exprime si bien Karl Marx :

« …tout mouvement dans lequel la classe ouvrière s’oppose aux classes dominantes en tant que classe et cherche à les contraindre par la pression de l’extérieur est un mouvement politique.

Par exemple, la tentative de forcer des capitalistes, au moyen de grèves, etc., dans telle ou telle usine ou branche d’industrie, à réduire le temps de travail, est un mouvement purement économique ; au contraire, le mouvement ayant pour but de faire édicter une loi des huit heures, etc., est un mouvement politique.

Et c’est ainsi que partout les mouvements économiques isolés des ouvriers donnent naissance à un mouvement politique, c’est-à-dire un mouvement de la classe pour réaliser ses intérêts sous une forme générale, une forme qui possède une force générale socialement contraignante.

Si ces mouvements supposent une certaine organisation préalable, ils sont tout autant à leur tour des moyens de développer cette organisation.

Là où la classe ouvrière n’est pas encore allée assez avant dans son organisation pour entreprendre une campagne décisive contre la force collective, c’est-à-dire la force politique des classes dominantes, elle doit en tout cas être éduquée en vue de cela par une agitation continue contre l’attitude hostile à notre égard qu’observent en politique les classes dominantes.

Dans le cas contraire, elle reste aux mains de celles-là une balle à jouer. »[2]

Cela signifie donc : partir des luttes économiques pour les amener sur le terrain du pouvoir, de l’Etat, c’est cela la lutte des classes et rien d’autre. C’est l’unique chemin que tous les révolutionnaires sincères doivent emprunter au plus vite et de toutes leurs forces. Ce n’est donc qu’ainsi que nous pourrons virer Macron ou n’importe quel autre pantin du capital et ainsi donner le pouvoir au prolétariat, à notre classe !


[1]franceinter.fr/politique/maintenant-c-est-a-vous-de-faire-arrive-troisieme-melenchon-livre-un-discours-testamentaire

[2][Karl Marx, Lettre à F. Bolte, 23 novembre 1871]

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