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Guerre et information

La période de crise que nous connaissons est causée par l’effondrement de la capacité pour les gros monopoles à faire des profits. Pour augmenter leurs profits ils n’ont d’autre choix à terme que de prendre par la force le contrôle des marchés, des ressources naturelles et de la main d’oeuvre détenue par les monopoles concurrents. C’est la raison pour laquelle notre époque, celle du pourrissement de l’impérialisme, est marquée par une tendance à la guerre. Mais pour gagner une guerre il ne suffit plus d’avoir plus de forces et d’écraser celles de l’ennemi : le véritable enjeu est de contrôler ce qu’on appelle « l’arrière » c’est-à-dire la société civile, la population. L’exemple frappant en ce moment c’est la guerre en Ukraine et la manière dont elle est traitée dans notre presse, mais aussi dans la presse russe.

Le livre blanc de la défense de 2013 indiquait déjà que la France devait se préparer à passer de guerres asymétriques (c’est-à-dire les opérations extérieures comme Serval, Barkhane etc) à des guerres symétriques, c’est-à-dire des guerres contre un ennemi de force égale. La hausse des budgets militaires et la modernisation de l’armement entrent dans ce vaste plan, et ce dans le monde entier. Il indique aussi, dans la continuité de ce qui était publié dans le livre blanc de 2009, que l’Etat devait se préparer à anticiper les risques intérieurs, ce qu’ils appelent des « intentions hostiles » : sous couvert de lutte contre le terrorisme il s’agit surtout d’anticiper et d’étouffer des révoltes. Ce qu’on appelle les lois sécuritaires vont dans ce sens en rendant plus facile le contrôle et l’intervention contre la population.

On l’a vu durant les deux guerres mondiales. Au cours de la première avec « l’union sacré » au sein de laquelle gauche et droite ont marché main dans la main pour donner le pouvoir à l’armée qui de fait dirigeait le pays. Et au cours de la seconde lorsque la gauche et la droite ont à nouveau marché main dans la main pour vendre le pays aux nazis en donnant les pouvoir à leur larbin, Pétain, tellement nationaliste qu’il a donné la moitié du pays aux envahisseurs. Dans les deux cas on a vu s’évanouir tout le mirage du « pluralisme politique propre aux démocraties ». Les temps de crises révèlent que tous les partis qui prétendent s’affronter en temps normal travaillent en réalité pour les mêmes intérêts, et ce ne sont pas les intérêts du peuple, ou de la nation comme certains le prétendent, mais ceux des monopoles. Pendant ces deux guerres, la véritable opposition, l’opposition au massacre et à la barbarie portée principalement par le prolétariat, a été réprimée brutalement. Ces guerres ont plongé les peuples dans une telle misère qu’elles ont provoqué de puissantes vagues de révoltes et de révolutions, au point qu’à la fin des années 40, un tiers de l’humanité avait renversé les anciens régimes capitalistes et féodaux pour instaurer le Socialisme et la Nouvelle Démocratie, et que sous cette pression le monde a connu la décolonisation durant la guerre froide.

D’autre part, ces dernières décennies ont vu une concentration accrue des médias entre les mains d’une poignée de monopolistes, or l’on sait que ces acquisitions n’ont rien à voir avec la recherche de profits car les médias coûtent et ne rapportent rien. Si la grande bourgeoisie cherche à avoir le contrôle des médias, c’est-à-dire de l’information, c’est pour créer de l’opinion publique, diffuser leur idéologie. C’est la raison pour laquelle il y a un effondrement manifeste dans la qualité des débats qui sont réduits à un cirque de cris et de beuglements réactionnaires, c’est un choix éditorial. Cette ligne éditoriale se résume à deux choses: tourner en ridicule toute critique du capitalisme et camoufler la lutte des classes en créant des faux problèmes: immigration, islam, sécurité. Quand on regarde la télé, on finit par se dire que l’on n’est plus en sécurité dans le pays à cause des étrangers et qu’il faut permettre à la police de faire son travail et donc avoir un Etat fort capable de nous protéger, d’autant plus avec la Russie, la Chine : l’opinion publique doit être d’accord avec le réarmement. C’est le but stratégique de la propagande, de la guerre psychologique menée par les gros monopoles impérialistes. Bien sûr les médias sont la partie la plus visible de cette guerre psychologique. La manière dont Hanouna aboie quand on critique son maitre Bolloré montre assez clairement l’agressivité de cette offensive psychologique.

L’enjeu est double pour les impérialistes et il se résume de cette manière:

  1. – préparer une guerre symétrique
  2. – préparer la contre-insurrection

En prenant un peu de recul et en élargissant notre regard, on comprend mieux alors ce que signifie la réactionnarisation. La crise économique, la concentration et le contenu des monopoles médiatiques, les politiques sécuritaires et liberticides et la tendance à la guerre ne sont pas des phénomènes déconnectés les uns des autres, dont on pourrait empêcher l’un sans empêcher les autres. C’est pourquoi les impérialistes se préparent à un conflit contre leur propre population, car les masses en France ne veulent pas la guerre, elles ne veulent pas la misère, elles veulent vivre en paix et dignement des fruits de leur travail. Si la guerre éclate, nos conditions de vie vont cruellement se détériorer, tout ça pour qu’une bande d’industriels et de banquiers se remplissent les poches, et ça personne ne le tolérera : il y aura de fait une puissante révolte qui peut échapper totalement au contrôle de l’Etat et se transformer en révolution.

Affiche du CIAE pour la promotion de l’exercice SERRAT du 14 au 18 novembre 2022.

Le CIAE est la branche de propagande militaire du renseignement qui participe à la guerre psychologique, son rôle est de s’assurer qu’à l’arrière des fronts la population civile soutienne la guerre et soit favorable aux impérialistes. Leurs méthodes reposent, de leur propre aveu, sur la désinformation et la manipulation de masse pour orienter l’opinion. Ils visent à neutraliser toute opposition en contrôlant l’information. Ils ont fait leurs premières armes dans le démantèlement de la Yougoslavie, et exercent plus récemment au Mali pour convaincre la population que le pillage de leur pays et le massacre des civils sont une bonne chose. L’opération SERRAT lancée en Ardèche cette année est un exercice mettant en scène une insurrection. Sur l’affiche de l’opération on voit clairement le drapeau de l’OTAN face à celui de la Russie, avec des symboles évoquant le communisme. Pour le CIAE, l’ennemi stratégique n’est pas une puissance extérieure, mais les révolutionnaires au sein de la population.

Une dizaine d’auteur de science fiction composant la Red Team ont participé à l’élaboration de ce scénario, ravis d’aider l’armée à préparer ses guerres, salissant par là même la tradition de la science-fiction qui a toujours dénoncé les dystopies, les menaces militaristes et la mainmise sur la société par une bande d’oligarques corrompus. À l’opposée du contenu progressiste, dans le sens premier de progrès pour l’humanité, de la S-F, ces auteurs participent à la guerre psychologique pour préparer l’opinion à une guerre sale.

Conférence de lancement de la Red Team. Source : Ministère des armées

La guerre psychologique et le bourrage de crâne qu’on nous inflige, bien loin de nous éclairer sur comment nous allons pouvoir payer nos factures et nos loyers et régler nos problèmes, ne servent qu’à créer une illusion, une déformation de la réalité. C’est au fond tout ce que porte idéologiquement la bourgeoisie : déformer la réalité pour tenter de survivre à sa déchéance. Les réactionnaires aussi bien payés, aussi équipés qu’ils soient, aussi visibles sur les plateaux télés, aussi habiles avec leurs grandes stratégies, sont condamnés à l’échec car l’impérialisme est en fin de vie.

Nous sommes tout sauf désarmés et impuissants. Déjà les masses ont un bon sens solide pour démasquer les arnaques et les discours creux, mais nous avons le marxisme qui part de la réalité sans avoir besoin de la déformer et c’est une force inégalable dans la société. La tâche des révolutionnaires est de partir des problèmes concrets que les masses rencontrent et de les mobiliser pour les résoudre, pour rassembler dans l’action collective ce qui est la plus puissante force de ce monde et la seule capable de mettre fin à la dévastation causée par la grande bourgeoisie. Et dans cette mobilisation, déchirer le voile des mensonges et montrer les choses dans leur clarté, car la confusion et les manigances servent les exploiteurs, c’est de cette manière que nous nous élevons politiquement. Il ne suffit pas d’en parler et de s’indigner, il faut agir en lien étroit avec les masses.

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