Le lâche assassinat du jeune Nahel a déclenché un immense soulèvement spontané de la jeunesse prolétaire la plus pauvre de France. Par milliers, ils se sont insurgés et ont fait trembler le vieux monde, ils ont montré encore une fois l’immense combativité qui anime ceux qui n’ont que leurs chaînes à perdre. Il ne faut pas chercher bien loin le pourquoi d’une telle émotion : l’impérialisme est en décomposition et écrase toujours plus les masses populaires de tout son poids. Il jette toujours plus dans la pauvreté et l’indigence les plus pauvres du pays, qui se concentrent dans les quartiers prolétaires autour des centres métropolitains dégoulinant de richesse. Toute la société est en décomposition et la police, elle aussi, est le reflet de ce phénomène. Le poids de la crise générale du capitalisme a un visage concret pour la jeunesse prolétaire : c’est le flic, arrogant, raciste, bête et méchant ; et les conséquences sont physiques et mentales, elles sont très concrètes : ce sont les contrôle abusifs et ininterrompus, les insultes racistes ou non, les gifles et les humiliations, les tabassages dans les commissariats, et dans les cas extrêmes la torture et la mort. Tout cela se déroule de manière massive et incessante, certains diront d’une manière structurelle ; mais surtout, surtout, cela est systématiquement impuni. Si nous couplons à cela la pauvreté, la difficulté à finir les fins de mois pour nos familles, l’exclusion, la vie « sans débouchés », la honte d’être pauvre, alors nous en arrivons à ce qu’un adolescent devienne un combustible qu’une étincelle peut enflammer.
L’étincelle, qui a été l’assassinat du jeune Nahel, a mis le feu à la plaine sèche de millions de jeunes désespérés. Il a fallu déployer plus de 45 000 hommes et les troupes d’élites pour arriver à contenir les insurgés après cinq jours d’émeutes, qui ont pris la forme de milliers d’actions de guérilla. Seule la violente répression et l’arrestation de milliers de personne a permis d’étouffer, pour un temps, la rage de vivre. Les insurgés se sont attaqués directement à l’État, des dizaines de commissariats ont été attaqués, plusieurs ont brûlé, de même que les mairies étaient systématiquement prises pour cibles. Écoles, bâtiments des impôts et autres administrations ont complété le tableau. Ils visaient l’État, le Pouvoir, qui est identifié à juste titre comme le problème, et à travers tout cela le vieux monde d’exploitation. Personne dans notre camp ne devrait s’indigner face aux écoles qui brûlent : l’école n’est pas sainte, elle fait partie du problème en transmettant les valeurs et normes de la société bourgeoise. La colère de chaque gamine humiliée qui doit retirer son foulard lui fait bien comprendre qu’elle « n’est pas exactement d’ici », et se multiplie par mille au contact de la misère généralisée aux pieds des tours.
Aux attaques répétées et extrêmement déterminées de la part des émeutiers contre le problème de toute la jeunesse (l’État et les flics), il faut ajouter une immense vague de pillage où la jeunesse est venue récupérer ce que les capitalistes exproprient au prolétariat. Dans un pays hautement développé où la marchandise est partout et en grande quantité, mais où les plus pauvres ne peuvent en profiter par manque d’argent, des phénomènes de redistribution de ce type sont engendrés quand le moment se présente. Le pillage est d’ailleurs vécu par la classe dominante comme plus grave que les attaques contre les flics et l’État, car il touche directement au cœur du capitalisme, à l’expropriation (au vol, donc) de la richesse collective par la minorité de bourgeois. C’est pour cela que qu’une partie des politiciens tente de séparer la « bonne révolte » due à l’assassinat du jeune Nahel – c’est-à-dire les attaques directes contre l’État -, de la « mauvaise révolte », celle contre le capitalisme, qui s’incarne dans la marchandise. Le prolétariat se fait voler au quotidien par le patron, venir récupérer notre dû de temps en temps est logique ; notons que cela semble plus efficace que la lutte syndicale actuelle. Si nous regardons bien les pillages, nous verrons que les masses se sont même attaquées aux supermarchés, et notamment aux supermarchés discount ; tout cela révèle la pauvreté dans laquelle se trouve plongée une partie de la population.
La jeunesse prolétaire a montré son grand sens du combat, avec des forces de l’ordre qui ont été dépassées par les techniques de guérilla, notamment le fait de ne pas rester sur des points fixes mais de bouger en permanence. Les quelques actions armées de tirs directs sur les forces de l’ordre et les bombes ou apparentés sur les commissariats ont montré au monde que les masses populaires de France sont prêtes pour la guerre révolutionnaire. La jeunesse prolétaire n’est pas restée isolée, de nombreuses manifestations de soutien ont eu lieu, certaines réprimées par la force, et le soulèvement a touché les centres-villes ; fait notable, cette fois la jeunesse révolutionnaire était présente dans le mouvement car vivant, luttant et travaillant elle aussi dans les quartiers.
Karl Marx commenta que l’écrasement de la Révolution ouvrière de juin 1848 créa « la scission de la nation française en deux nations, la nation des possédants et la nation des travailleurs. » C’était le début de la longue guerre civile qui dure jusqu’à aujourd’hui, qui est tantôt ouverte et brûlante, tantôt endormie mais toujours présente. Les journées de fin juin 2023 sont un nouvel épisode de cette guerre civile. Il n’y a de « guerre ethnique » que pour ceux qui nient la lutte des classes, la « nation des travailleurs » étant notamment constituée des masses des quartiers prolétaires, composées principalement de descendants d’africains ; elle est la nouvelle France en gestation, et elle s’oppose antagoniquement à la vieille France qui doit disparaître, celle des possédants. Alors oui, nous sommes en accord avec les réactionnaires qui disent que le pays est au bord de la guerre civile, et nous nous en réjouissons car cela signifie pour le prolétariat l’avènement du nouveau monde alors que le bourgeois, lui, ne peut que trembler car cela sonne le glas de son existence de parasite.
Plus que jamais, les forces révolutionnaires doivent fusionner avec les masses des quartiers prolétaires qui sont, et c’est une vérité transcendante aujourd’hui, le moteur et le combustible de la Révolution. L’autre nécessité, qui est la principale, c’est reconstituer l’État-major de la Révolution, le Parti du Prolétariat car il n’a jamais été aussi clair lors de ces journées (et nuits) que ce qui a manqué, c’est une direction politique, orientant le torrent impétueux des masses populaires enragées par la misère vers la conquête du Pouvoir. Ces deux nécessités sont en accord avec la situation révolutionnaire en développement que connait la France et qui s’accentue de jour en jour.