AccueilLutte des classesLyon : Interview de "Gauthier", militant pour la Palestine

Lyon : Interview de « Gauthier », militant pour la Palestine

Les correspondants locaux de Nouvelle Epoque ont suivi de près la lutte en soutien à la Résistance Palestinienne et contre le soutien de l’impérialisme français au génocide en cours à Gaza.
Ils ont aussi interviewé plusieurs personnes.

Après Sym, (lire son interview ici) c’est l’interview de Gauthier (le prénom a été modifié) que Nouvelle Epoque vous propose de lire :

NE : Peux-tu te présenter ?
Gauthier : Je suis d’origine française, professeur des écoles. J’ai une trentaine d’années. Mes engagements politiques portent sur l’anti racisme, l’anti colonialisme, le féminisme (pas celui qui relève de la blanchité, mais l’autre) et l’écologie.

NE : Comment as-tu commencé à t’intéresser à cette cause ?
Gauthier : Par ma propre curiosité.

NE : Depuis quand ?
Gauthier : 2016

NE : Est-ce qu’on en parlait dans ta famille ?
Gauthier : Non

NE : Est-ce que tu peux me parler de ton analyse de la situation en Palestine depuis la création d’Israël ?
Gauthier : La situation en Palestine est une situation de colonialisme, qui s’accompagne également d’une situation d’apartheid. De par sa création même, l’entité d’Israël est devenue une entité coloniale. Depuis 1948 donc, le peuple palestinien subit déportation, expropriation, assassinat, nettoyage ethnique, emprisonnement arbitraire et génocide. Le quotidien du peuple palestinien est celui d’un peuple colonisé : liberté de circulation limitée, peur constante, activités économiques restreintes et dépendantes du bien vouloir du colon, déshumanisation et résistance.

NE : Quels ont été les événements qui t’ont marqué ? Pourquoi ?
Gauthier : Plusieurs évènements ont marqué l’histoire de la Palestine : 1948, 1967, les accords d’Oslo et la trahison de l’OLP, les élections de 2006 et l’isolement du Hamas, les bombardements qui ont suivi, en 2008, 2010, 2014 … mais l’évènement le plus marquant pour moi est ce qu’il se passe depuis le 7 octobre. Cet évènement marque un vrai tournant dans l’histoire de la Palestine et de l’entité terroriste d’Israël. C’est pour moi une étape majeure dans le processus d’effondrement d’Israël ainsi que dans l’expression de son colonialisme. Israël a définitivement diffusé au grand jour son image de colon et ses intentions génocidaires, Israël a commencé son dépeuplement, et a en plus prouvé que cette entité n’était plus pérenne.

NE : Te rappelles-tu ta réaction lors du blocus de Gaza en 2007 ? Lorsque tu as appris qu’il y avait un blocus à Gaza depuis 2007 ?
Gauthier : Non, désolé.

NE : Quelle a été ta réaction en apprenant le lancement de l’opération « Déluge d’Al Aqsa » le 7 octobre dernier ?
Gauthier : Comme tous les gens portant l’anti-colonialisme dans leur cœur, j’ai d’abord ressenti de l’euphorie, avant de revenir rapidement à un état rationnel sur qu’est ce que vraiment Israël, et on le sait c’est une entité terroriste, qui a montré depuis 1948 qu’elle est prête aux pires crimes contre l’humanité pour assouvir sa soif de colonialisme et d’épuration ethnique. Donc j’ai rapidement ressenti de la peur pour le peuple palestinien.

NE : Comment est-ce que tu perçois la position prise par les pays occidentaux ?
Gauthier : C’est globalement toujours la même mise à part quelques états comme la Belgique, l’Irlande, l’Écosse… mais globalement les grosses puissances militaires et économiques européennes sont acquises à l’islamophobie, au sionisme et au colonialisme, leur portant eux même dans leur histoire. Je n’attend rien de nos états.

NE : Comment est-ce que tu perçois la position prise par les pays arabes, historiquement alliés de la Palestine ?
Gauthier : Pareil ça se limite à quelques pays qui n’ont jamais trahi la Palestine : l’Algérie, le Yémen, l’Iran et le Liban (quoi que). Pour le reste des états, leurs intérêts économiques et intérieur de contrôle de leur population prédominent. La Palestine n’est au mieux qu’une cause humanitaire qu’il faut aider économiquement. Mais historiquement même le Liban a énormément causé de tort à la population palestinienne y résidant, comme la plupart des pays du golf qui considèrent à l’intérieur de leurs frontières les palestiniens comme des sous-citoyens. Aux EAU, au Qatar, au Koweït, au Liban, les palestiniens restent des réfugiés toutes leur vie, n’ayant pas accès au mêmes droits que la population citoyenne.

NE : Comment perçois-tu l’implication des EU dans la guerre actuelle ?
Gauthier : L’EU est sioniste.

NE : Pour toi, quelle est l’issue de ce conflit ?
Gauthier : Il ne s’agit pas d’un conflit mais bien d’une occupation. La seule issue est la décolonisation. Elle arrivera, même si cela risque de prendre encore du temps.

NE : Connais-tu les groupes de résistance palestinienne ? Peux-tu me les présenter rapidement ?
Gauthier :

Je connais le groupe local de Naplouse « arren alsoud » pour y être allé plusieurs fois. Ce sont des jeunes qui veulent s’émanciper du bipartisme Hamas/Fatah, et qui sous aucune bannière politique se compose en tant qu’entité armée de résistance. A Naplouse, tout le monde est acquis à leur cause et chantent leur louange. C’est la fierté de la ville.
Je connais plusieurs groupes de résistance non armée également, donc tout particulièrement la «retaj cooperative», une coopérative de femmes à Naplouse et alentour s’organisant pour faire vivre économiquement et d’un point de vue agricole leurs villages.

NE : Que penses tu des groupes politiques de « gauche » qui critiquent la Résistance armée ?
Gauthier : Ils n’ont pas compris ce qu’est la colonisation. Ils jugent sans aucune profondeur, sans aucune référence historique. C’est triste et déplorable. Je n’identifie plus ces gens comme faisant partie de « la gauche ».

NE : Dans le pays dont tu es originaire est ce que les mobilisations pour la Palestine sont importantes ? Quel lien entretient-il avec la Palestine ?
Gauthier : L’espace militant existe,mais proportionnellement à l’intensité des crimes commis par Israël je le trouve assez faible. C’est globalement une lutte de personne assez âgée qui a du mal à se renouveler. Je suis né en France, terre coloniale et donc acquise au sionisme.

NE : Est-ce que tu connaissais déjà des personnes engagées dans cette cause ? Quels engagements avaient-ils/elles ?
Gauthier : J’en connais plusieurs faisant parti de plusieurs collectif de soutien au peuple et à la résistance palestinienne.

NE : En quoi consiste ton engagement pour la Palestine aujourd’hui ?
Gauthier : J’essaye de faire parti de la vie et de l’organisation de deux collectifs soutenant le peuple palestinien et sa résistance. Depuis le 7 octobre il est clair que mon engagement s’est intensifié, c’est tous les jours, tout le temps. Sur le terrain, sur les réseaux, dans l’organisation d’évènement …

NE : Es-tu impliqué dans une organisation ou une association ?
Gauthier : Oui.

NE : Selon toi quelle est la meilleure manière de soutenir la résistance en Palestine ?
Gauthier : La légitimer. Il faut en parler aux gens, remettre la résistance armée dans ce contexte d’occupation et de colonisation. Pour la résistance non armée, il est facilement possible de la soutenir matériellement. Mais il faut aussi la visibiliser, l’honorer et condamner surtout toutes les entités soutenant la colonisation sioniste. C’est à nous de faire pression sur les lobby sionistes et leurs alliées économiques.

NE : Que penses-tu de la résistance armée ?
Gauthier : Elle est légitime. C’est inscrit dans la charte de l’ONU qu’un peuple colonisé a le droit de se défendre contre le colon dans un objectif d’auto-détermination.

NE : Que penses-tu du soutien que continue d’exprimer la population civile aux combattants de la Résistance ?
Gauthier : Encore une fois il est normal et légitime. Historiquement aucun peuple ne s’est libéré sans arme. Et si le capitalisme veut faire croire le contraire en mettant en avant des figures comme Gandhi ou Martin Luther, c’est simplement car ils veulent exercer un contrôle sur la révolte des peuples. Gandhi n’a pas libéré l’Inde, pas plus que Martin Luther a mis fin à la ségrégation. Ouvrir un livre d’histoire permet simplement de corriger ces tromperies.

NE : Mariam Abu Daqqa, une cadre du FPLP, disait qu’il n’y a pas que les combattants qui font partie de la Résistance, bien que ceux qui portent les armes en sont la première ligne mais aussi tout le soutien logistique apporté autour (l’approvisionnement, les caches, le soutien matériel, etc). Que penses-tu de cette affirmation ?
Gauthier : Je suis d’accord et je soutiens les propos de Mariam. Être palestinien et habiter la Cisjordanie ou Gaza, c’est déjà être un.e résistant.e.

NE : Que penses-tu de la position officielle de l’État français, qui considère que tout combattant est un terroriste, et que leurs soutiens font l’apologie du terrorisme ?
Gauthier : Je la condamne, pour les raisons ci-dessus.

NE : Certains penseurs politiques systématisent la lutte armée, expliquant que «la violence est l’accoucheuse de l’histoire», et que les grandes révolutions pour le peuple ne se feront que dans la violence. Es-tu d’accord avec cette affirmation ?
Gauthier : Comme écrit dans l’intitulé de la question, toutes les luttes de décolonisation sont passées par la résistance armée, donc je ne peux qu’être d’accord.

NE : Merci pour vos réponses, bonne journée !
Gauthier : Merci à vous !

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