La force du capital est tout. Nous le répétons tout au long de nos articles parce que c’est le fond du problème. C’est là que réside le véritable pouvoir qui dirige le pays ; celui qui soumet la production collective de la richesse aux intérêts privés, qui encadre toutes les volontés non-rupturistes avec son Etat, qui corrompt massivement les couches de la population ayant un intérêt mesquin à la perpétuation du vol organisé.
La bourgeoisie dresse ceux qui voudrait sortir des clous : les faux rebelles apparaissent avec clarté et il faut les dénoncer comme il faut dénoncer ceux qui veulent perpétuer ce système dans le cadre actuel.
Le patronat a parlé : à travers le Medef, c’est la force du capital qui s’exprime. Il a nommé son champion, et bien entendu cela sera Emmanuel Macron. Le capital proclame que :
« Le programme d’Emmanuel Macron est le plus favorable pour assurer la croissance de l’économie et de l’emploi dans notre pays .» « Même s’il comporte des lacunes, il est le plus à même de préparer la France aux défis de l’avenir en faisant le choix de la compétitivité et d’une croissance durable ».
Et bien entendu la force ne peut exister que par la menace : « le programme économique – de Marine Le Pen – conduirait le pays à décrocher par rapport à ses voisins et à le mettre en marge de l’Union Européenne ».
Le capital craint aussi de voir une « dégradation de la confiance des acteurs économiques, [qui réduirait] les investissements et les créations d’emplois » et alerte sur « la hausse très forte et non financée des dépenses publiques » risquant de « placer le pays dans une impasse ».[1]
Le Pen n’est pas la bonne option, aujourd’hui, pour les capitalistes. D’ailleurs, la présidente du Rassemblent National le sait très bien, car elle a dû “arrondir” ses angles. Il n’est plus question de sortir de l’Union Européenne ou de l’Euro – même si ce ne serait pas une panacée – et son discours sur la retraite changera, car l’augmentation du temps de travail est un impératif pour le patronat. La retraite à 60 ans qu’elle arbore dans sa campagne n’est qu’un attrape-nigaud électoral.
Le message est clair : si elle prend le pouvoir, elle devra se plier à ce que le capital pense nécessaire pour continuer à engranger des profits et à se reproduire. Elle sait de même que, si elle est élue, elle prendra les rênes d’un Etat qui n’est pas acquis à sa cause (loin s’en faut), car l’immense machine administrative ne se pliera pas à un changement de style de gouvernance, tout simplement parce que le moment ne l’impose pas. Les “frontistes” le savent bien et ont donc trouvé comme parade le Référendum, vieille recette Bonapartiste, apanage des régimes les plus réactionnaires. Le procédé est simple : le référendum est un plébiscite, c’est-à-dire que le corps électoral vote directement par oui ou par non les lois. Le but est de plébisciter son action, qui sortirait du cadre du régime actuel, celui de la Ve République, en piratant toute la machinerie administrative. Son projet réactionnaire, dont le cœur est la question migratoire, doit impérativement violer la Constitution (et le Conseil constitutionnel) en créant dans le pays deux droits différents : l’un pour les “nationaux”, l’autre pour les “étrangers”. C’est un jeu dangereux, car si le résultat n’est pas conforme à ses vœux, cela sera un plébiscite contre sa personne, ce qui engendrerait une déstabilisation automatique du pouvoir. Marine Le Pen est prête a toujours plus déstabiliser le régime pour faire passer en force son programme, surtout dans le cas de son élection, sa légitimité sera faible. Les résistances seront énormes à n’en pas douter. Les temps actuels ne nécessitent pas un tel changement de cap, car les forces subjectives de la Révolution socialiste sont loin d’être un risque pour les monopolistes et autres banquiers.
Emmanuel Macron est donc en très bonne position pour continuer sa sale besogne commencée il y a 5 ans, et c’est le principal ennemi car c’est lui qui est aux commandes aujourd’hui. Bien que la crise ait aiguisé la lutte des classes et profondément attaqué la normalité de la société impérialiste, les temps ne sont pas mûrs pour une aventure ultra-réactionnaire. Ne nous y trompons pas : le score sera serré et cela exprime la lutte des classes, car le monde social et la question du pouvoir relèvent de cette lutte.
Que ça soit Macron ou Le Pen, le résultat sera un gouvernement réactionnaire qui dirigera le pays d’une main de fer et continuera à aggraver la crise, car le capitalisme français doit continuer à être restructuré pour correspondre à la lutte inter-impérialiste qui fait rage, aujourd’hui de manière ouverte en Ukraine.
Il serait totalement absurde de penser que le vote Le Pen est un vote fasciste, il reste largement un vote de désespoir avec une volonté forte de changement. Quitte à passer en force, cela démontre que les masses sont prêtes à une rupture du cadre étouffant et aliénant que leur impose le capital.
Le vote Macron, en dehors des gens faisant barrage à l’extrême-droite (ce qui peut se comprendre) est l’expression de ceux qui vivent bien et veulent perpétuer ce système indéfiniment.
Il faut noter que Le Pen et sa clique sont de profonds opportunistes, qui se servent des conséquences économiques et sociales de la crise pour faire passer leur programme ultraréactionnaire au service de l’impérialisme. Mais qu’on se le dise : les opportunistes finissent tôt ou tard par ne plus arrêter le feu qu’ils ont allumé. C’est un jeu dangereux pour cette engeance.
Nous devons démontrer aux électeurs que voter RN contre ce qu’ils estiment être le pire (le Président banquier), c’est voter pour encore pire dans un futur proche. Comme le dit la fameuse expression, c’est tomber de Charybde en Scylla.
Dans ce sens, la seule option politique au service du prolétariat c’est de s’abstenir, de boycotter les élections, pour ne pas appuyer un quelconque futur gouvernement qui sera de toute manière à la botte des forces du capital.
La seule attitude juste après les élections ne sera pas le désespoir, mais bien l’optimisme au service de la lutte pour défendre nos droits. Quoi qu’il arrive, les temps sont mûrs pour reconstruire un mouvement révolutionnaire émancipateur hors du cadre imposé. Seule la lutte des classes organisée peut montrer aux masses le chemin vers la résolution de leurs mille problèmes qui empoisonnent le quotidien. Un gouvernement Macron ou Le Pen signifie de grandes batailles à mener pour défendre et améliorer nos droits et nos libertés.
La seule façon de combattre notre futur gouvernement, c’est de s’attaquer à la contradiction du capitalisme, qui se niche entre la production collective de la richesse et l’appropriation privée de celle-ci. C’est-à-dire entre le prolétariat et la bourgeoisie. Elle a l’argent, et nous en avons besoin, alors il faut aller le chercher. En un mot et en un seul, il faut s’attaquer à la bourse du patronat, leur arracher toujours plus, et conduire cette lutte sur le terrain politique, c’est-à-dire la lutte pour le Pouvoir. Toute autre activité militante qui ne se place pas dans cette optique du pouvoir n’est que de l’antipolitique.
[1]lesechos.fr/elections/presidentielle/presidentielle-le-projet-economique-de-marine-le-pen-ne-passe-pas-aupres-du-patronat-1400005