samedi 23 novembre 2024
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Manon, femme en lutte

Nous vous présentons cette interview d’une membre de la Ligue de la Jeunesse Révolutionnaire (LJR) réalisée en décembre 2021. Vous pouvez retrouver un autre portrait ici. D’autres portraits de militants suivront dans les prochains numéros.

Nouvelle Époque : Bonjour, tout d’abord peux-tu te présenter et détailler ton parcours militant ?

Manon : Je m’appelle Manon, j’ai 20 ans et je suis étudiante en sciences sociales. Je me suis engagée dans le militantisme lors de ma deuxième année à l’université. J’étais déjà un peu politisée parce que mes parents m’emmenaient à des manifestations quand j’étais petite et qu’on parlait beaucoup de politique à la maison. Mon premier vrai engagement, ça a été dans un collectif féministe intersectionnel. J’y ai appris beaucoup de choses, ça m’a aidé à prendre confiance en moi, à rencontrer de nouvelles personnes et à donner un sens à ce que je vivais ou avait vécu. Donc, j’ai passé un peu plus d’un an dans ce collectif que j’ai fini par quitter car je commençais à être de plus en plus critique vis-à-vis de l’organisation et à voir les désaccords politiques fondamentaux qui m’en séparait. Les actions que je menais dans ce groupe n’avaient plus vraiment de sens pour moi, je doutais beaucoup de la capacité de ce type d’organisation à créer un vrai mouvement de masse. C’est un milieu assez fermé et inaccessible. C’est notamment ma rencontre avec des membres de la LJR qui m’a aidé à construire cette critique et c’est pour cela que j’ai intégré la Ligue il y a environ 8 mois.

Nouvelle Époque : Qu’est ce qui t’a poussé à intégrer la Ligue ?

Manon : Comme je viens de l’expliquer, j’ai intégré la LJR après mon départ d’un collectif militant féministe. J’avais envie de m’engager dans quelque chose qui avait une portée plus importante et selon moi beaucoup plus utile. La Ligue a apporté des réponses à mes questionnements et j’ai eu envie de m’y engager
pour voir un peu mieux les actions qui étaient menées. J’ai rencontré des membres de la Ligue par l’intermédiaire d’une amie à moi. On a beaucoup discuté et j’ai pu voir une partie de leur travail, ce qui m’a donné envie de réellement m’engager dans ce groupe.

Nouvelle Époque : Qu’est ce qui te plaît à la Ligue ?

Manon : Ce qui me plaît dans la Ligue, c’est que c’est un groupe vraiment organisé. On sait ce qu’on fait et pourquoi on est là. On n’a pas l’impression d’agir dans le vide, et même quand c’est le cas on apprend de nos erreurs pour se corriger et s’améliorer collectivement. Ce qui est intéressant, c’est aussi qu’il existe une vraie solidarité entre les membres et on peut s’entraider en cas de problèmes, même personnels. Cela permet de créer de la confiance et de prendre soin les uns et les
unes des autres pour lutter dans de bonnes conditions.

Nouvelle Époque : Quelles différences observes-tu entre la Ligue et les autres organisations ?

Manon : La vraie différence avec les autres organisations que je connais c’est qu’on fait un réel travail de terrain qui est ouvert sur l’extérieur. Elle se distingue d’un entre-soi militant qui regroupe uniquement des étudiants ou des personnes très politisées, en fait d’un entre-soi très bourgeois. On peut l’expliquer par l’objectif politique de la ligue qui est de créer un véritable mouvement de masse avec les travailleurs et les travailleuses pour renverser la classe qui nous exploite. Beaucoup d’organisations se disent révolutionnaires mais ne le sont pas réellement au-delà du discours, puisque leurs actions ne peuvent pas conduire à un véritable renversement du système capitaliste. Ce qui nous permettra d’arriver à cet objectif c’est une réelle discipline qui peut paraître un peu exagérée au premier abord, mais qui nous permet en fait de nous organiser et de concentrer nos forces sur des choses utiles.

Nouvelle Époque : Votre activité politique est centrée sur le quartier prolétaire des Etats-Unis à Lyon, que peux-tu nous en dire ? Arrivez-vous à intégrer les hommes et les femmes du quartier dans vos luttes ?

Manon : Dans le but de créer un mouvement des travailleurs et des travailleuses il paraissait évident de se concentrer sur le quartier des Etats-Unis qui
représente le plus gros quartier prolétaire de Lyon. Si on veut réellement construire un mouvement de masse, on ne peut pas se concentrer uniquement sur les quartiers riches de Lyon où il n’existe pas une véritable force révolutionnaire. Donc notre but dans ce quartier c’est de rassembler les gens, de recréer de la solidarité, de l’entraide, pour qu’ils puissent ensuite s’organiser collectivement et prendre conscience des intérêts qu’ils peuvent défendre ensemble. Pour cela, on va à la rencontre des habitants et des habitantes pour écouter leurs revendications et leur proposer de nous rejoindre. Notre but n’est pas de devenir une association mais de réellement mener le combat avec elles et eux. Ce n’est pourtant pas tous les jours facile, puisque les habitants et habitantes travaillent et ont souvent des vies de familles qui occupent une grande partie de leur temps. Pourtant, nous arrivons tout de même à nous faire connaître au sein du quartier et à rassembler du monde lors de réunions, de goûters populaires… Notre objectif est aussi que les femmes puissent intégrer la Ligue, qu’elles trouvent elles aussi leur place dans le combat que nous menons et qui vise à défendre les intérêts de notre classe mais aussi des intérêts plus spécifiques à leurs conditions.

Nouvelle Époque : La Ligue met en avant que « seule la révolution prolétarienne peut émanciper les femmes ». Que penses-tu de cette affirmation ?

Manon : En effet, je suis d’accord avec cette affirmation. Nous considérons que ce qui doit rassembler les femmes c’est avant tout leur appartenance à la classe sociale des travailleuses et travailleurs. Bien que toutes les femmes se retrouvent opprimées par un système de domination patriarcal, leurs intérêts de classes sont primordiaux. Les femmes prolétaires ne peuvent s’associer avec les femmes bourgeoises, qui ont un intérêt de classe divergent du leur, et qui ne pourront donc jamais combattre pour la même cause. Dans l’histoire du féminisme, on se rend compte que les grandes avancées qui ont « libéré » la femme de sa condition ne profitent en réalité qu’à la classe bourgeoise. Par exemple, la lutte pour accéder aux fonctions de pouvoir a per- mis à certaines de se hisser dans les plus hautes sphères, mais n’a rien changé à la situation d’exploi-
tation des travailleuses. Ensuite, la libération des tâches ménagères et éducatives s’est faite au détriment des femmes prolétaires, et souvent issues de l’immigration, à qui on a confié ces tâches de ménage, d’éducation des enfants… Ces dernières se retrouvent exploitées par les femmes bourgeoises qui les emploient pour des salaires dérisoires. De plus, nous estimons que le système de domination des hommes sur les femmes n’est pas autonome du capitalisme et de la propriété privée, mais qu’il en découle. C’est pourquoi seule l’union de la classe pour détruire ce système politique et économique, peut libérer les femmes. Cela ne signifie pas que les oppressions que subissent les femmes prendront automatiquement fin, mais cela signifie que nous aurons détruit les bases matérielles qui les sous-tendent. Une véritable Révolution culturelle pourra alors être menée pour mettre fin à cette oppression.

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