Nous avons lu avec intérêt votre appel “Présidentielle 2022 : on s’en mêle” et nous nous devons de le critiquer de manière franche et ouverte, le moment politique l’impose plus que jamais. Pris dans le précipice de la réactionnarisation, dont les supports idéologiques sont, entre autres, l’immigré, l’immigration, l’Arabe, l’Africain, l’Islam – tous ces “concepts” se confondant dans le discours réactionnaire -, nous pouvons comprendre votre réaction. Bien que nous la comprenions, nous ne pouvons nous y soumettre. Nous la pensons erronée : c’est assurément une voie sans issue pour les quartiers et pour le prolétariat en général, car il s’agit bien de cela. Le vote “pour qu’on s’occupe de nous” est épuisé depuis quelques décennies ; depuis, au moins, le mandat Mitterrand. Le prolétariat, pour faire entendre sa voix en tant que classe antagonique à la bourgeoisie – mais surtout pour trouver la voie de l’émancipation -, n’a comme instrument que la lutte des classes.
Le pays et le monde sont entrés dans une crise sans précédents qui ne va faire qu’empirer : la pauvreté touche des millions de français (entre 14 % et 18 % de la population). Quant à ceux qui travaillent, ils sont écrasés de plus en plus par la puissance du capital en crise. Cette crise gigantesque, crise de la civilisation capitaliste, marque les limites historiques de ce système. Nous vivons des moments clés de la grande histoire de l’Humanité. Mais il y a une réalité à laquelle nous ne pouvons nous soustraire : plus le capital est en crise, plus il asseoit son pouvoir sur le prolétariat et la société. Son pouvoir économique, bien sûr, mais aussi social, politique et culturel. Ce que nous voulons dire, c’est que la réactionnarisation et le déchainement qui existe contre les arabo-musulmans principalement, sont le résultat de cette violente crise économique. Et ne nous y trompons pas, l’agitation sur fond de racisme vise le prolétariat dans son intégralité, qui est le seul sujet à même de contrecarrer et de renverser la bourgeoisie dans l’Histoire. Nous disons bien le seul, car l’antagonisme principal se trouve entre le travail et le capital. La totalité de la richesse créée est le fait du prolétariat comme producteur de celle-ci. La lutte se fait donc entre les expropriateurs de la richesse collective et les producteurs de celle-ci, qui tentent chaque jour par différents moyens d’en arracher une plus grande part. C’est cela la lutte des classes.
Les propagandistes d’extrême-droite ou le gouvernement actuel ne sont que les marionnettes du capital, de la grande bourgeoisie, c’est-à-dire des expropriateurs de la richesse collective. Elle possède d’immenses moyens pour conjurer son sort : principalement les forces productives, mais aussi l’appareil d’Etat, les médias, et tout un tas de dispositifs qui forment le véritable pouvoir, la véritable puissance. Les élections sont un dispositif politique qui participe à ce régime d’expropriation de la richesse collective. Elles ne sont non seulement pas une solution, mais surtout une partie du problème, rien n’étant neutre. Depuis 1848, les élections ont servi à légitimer la domination de classe, et à chaque grande crise qu’a connu le pays, elles ont servi à réassoir cette légitimité. Les élections de 1848 ont légitimé la répression militaire contre le prolétariat, comme en 1871. En 1945, elles ont redonné une nouvelle légitimité à la bourgeoisie, grande collaboratrice avec l’occupant. En 1969, elles assomment le mai ouvrier. Comment, aujourd’hui, la situation pourrait-elle avoir changé, alors que le rapport de force est largement en notre défaveur ?
Il est donc évident que si nous ne détruisons pas la “force du capital”, aucune politique émancipatrice n’est possible et les masses continueront à payer le frais de nos tergiversations. “L’Avenir en commun” ne touche en aucune façon à la puissance du capital organisé : à aucun moment du programme on ne trouve une quelconque volonté de détruire les monopoles, de saisir les banques, de placer sous séquestres les capitaux, de nationaliser le commerce… ce sont pourtant les premières mesures nécessaires à un début de transformation véritable de notre société. Au mieux, nous trouvons dans le programme un vain contrôle de la “finance”. Nous serions tout aussi inconséquents si nous ne vous avertissions du fait que le programme contient tout un pan chauvin et impérialiste de “grandeur de la France”. Nous pensons que le prolétariat a assez souffert de cette fausse “grandeur”. Les visées impériales sont à peine masquées par un verbiage humaniste. Jean-Luc Mélenchon est un des théoriciens d’une voie de sauvetage et de restructuration de l’impérialisme français.
Plus que tout, nous pensons que le prolétariat est une classe unique dans le monde, et que le prolétariat de France est lui aussi une classe unique. Les politiques impérialistes principalement (colonisation, guerres de rapine) et d’autres facteurs, ont fait que le prolétariat dans notre pays est multiethnique, “bariolé”, aux mille origines. Nous ne regardons donc pas la couleur ni la religion, mais la classe ; et dans celle-ci, ceux et celles qui luttent pour en finir avec le vieux monde. Les masses des quartiers prolétaires, principalement arabo-musulmanes, ont montré leur immense combativité lors des Révoltes de 2005. Les Gilets jaunes ont mis en exergue l’autre partie constituante de la classe, le prolétariat blanc (lui aussi d’origine diverse, d’ailleurs), qui a montré ses capacités de lutte et de résistance.
Comme masses les plus exploitées avec les mères de familles, la jeunesse des quartiers fait objectivement partie du fer de lance de la Révolution, ouvrant dans la lutte la voie pour le prolétariat de France. Ces jeunes abandonnés par la “République” sont les accoucheurs de la nouvelle France. C’est seulement dans une Grande Révolution, par la conquête du pouvoir, qu’une nouvelle société naîtra, et que tout le monde se sentira bien dans le pays. Il n’est pas ici question de faire “alliance” entre les différentes composantes du prolétariat, il est question de l’unifier, de le faire devenir classe pour-soi, avec comme but la conquête du pouvoir. Il n’y a pas de voie pour un prolétariat atomisé, luttant contre le capital uni.
Si nous retirons le contenu de classe de la “République”, alors nous pensons que ce n’est qu’une question de “bon gouvernement”, et nous tombons dans l’espoir de “faire entendre notre voix” par les urnes. Les élections servent exactement à capter et à dévier la lutte d’émancipation, et rien d’autre. En fin de compte, tout le travail que vous menez dans les quartiers au quotidien se retrouvera dilué dans ‘l’intérêt de l’Etat”. Les opportunistes cherchent à corrompre les vraies aspirations à l’émancipation, et surtout à les détourner du chemin qui ne se trouve pas dans le cadre clairement défini des relations avec le capital, c’est à dire le chemin révolutionnaire.
La France actuelle n’est pas faite pour nous, pour le prolétariat, elle n’est pas faite pour les jeunes prolétaires, qu’ils soient blancs, arabes ou noirs. Les gouvernements et le Parlement ne sont que des marionnettes du capital, comme nous le disait Lénine il y a déjà cent ans.
Tout cela, nous vous le redirons quand nous nous croiserons dans la lutte dans nos quartiers.
Alors mêlez-vous de ce qui nous regarde, de la Révolution.