Le 25 février, comme chaque année, nous commémorons le martyr de Pierre Overney, militant de la Gauche Prolétarienne assassiné par la milice patronale en 1972, mort pour la cause du peuple.
Le grand mouvement étudiant et ouvrier qu’on résume souvent à « mai 68 » s’est en réalité étendu sur des années, c’était un mouvement combatif et massif comptant de nombreuses grèves et manifestations qui se sont poursuivies des années durant. Refusant de suivre un parti soi-disant communiste qui avait trahi depuis longtemps, les révolutionnaires ont alors créé leurs propres organisations afin de combattre l’impérialisme et les politiques anti-peuple. La Gauche Prolétarienne en fait partie, et a été le fer de lance de la jeunesse prolétaire au début des années 70, jusqu’à ce que la bande d’opportunistes à sa tête ne trahisse et liquide l’organisation en renonçant à la voie révolutionnaire.
Nous puisons de cette organisation sa fougue, sa combativité et sa lutte contre l’opportunisme, et son travail d’organisation et de lutte auprès des masses aussi bien dans les usines que dans les quartiers. Elle a réuni la jeunesse révolutionnaire du pays alors que le monde entier connaissait l’onde de choc portée par la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne en Chine, dans la grande lutte entre la révolution et la contre-révolution (qui avait alors triomphé en URSS, où une nouvelle bourgeoisie avait pris le pouvoir) au niveau mondial.
La Gauche Prolétarienne a pratiqué la violence révolutionnaire contre les patrons et contre-maîtres et contre la police, alors que les soi-disant communistes se rangeaient derrière la légalité et respectaient les règles posées par l’État, c’est-à-dire se rangeaient de fait du côté du règne des monopoles. Elle a su se lier massivement avec la jeunesse, et bien qu’elle ait été considérée comme « gauchiste » par ceux qui n’agissaient pas pour la révolution, c’était une organisation disciplinée et sérieuse, chacun connaissait son rôle et ce qu’il avait à faire. On estime difficilement le nombre de ses militants, mais ses activités ont mis le feu à la plaine : en 5 ans d’existence, c’est près d’un millier de membres qui sont emprisonnés. Malgré cela et bien qu’il s’agisse d’une organisation prolétarienne, dans le sens où elle défend les intérêts de la classe et qu’elle est générée par elle, la Gauche Prolétarienne était dirigée par des opportunistes qui n’étaient pas prêts à assumer d’aller plus loin, c’est-à-dire à préparer le renversement de la grande bourgeoisie et la prise du pouvoir. Construite sur de mauvaises bases, l’organisation s’est effondrée très vite. Tandis que les vrais révolutionnaires, qui n’abandonnent pas et ne trahissent pas et persévèrent malgré les difficultés, comme notre Camarade Pierre qui était à la Gauche Prolétarienne et qui a relancé notre journal avant qu’il ne devienne Nouvelle Époque, ont tout donné pour rallier autour d’eux les révolutionnaires afin qu’ils rassemblent à leur tour largement celles et ceux qui ont assez fait les frais de la vie sous le capitalisme. Le fil conducteur, de la Gauche Prolétarienne à aujourd’hui, c’est d’œuvrer pour l’unité de la classe, pour l’unité des révolutionnaires.
Pour mieux comprendre cette organisation et ses militants, il faut comprendre qui était Pierre Overney, qui comme tant d’autres avec lui s’est dédié corps et âme à la révolution. Originaire d’une petite ville de Picardie, d’un père ouvrier agricole et d’une mère sans profession, il passe son adolescence dans les travaux agricoles puis à l’usine, sans formation. À l’âge de 18 ans, il s’installe à Paris et travaille sur les chaînes de montage dans l’automobile. Il fait son service militaire en 68 et profite d’une permission pour participer aux manifestations, il voit son temps de service allongé pour insubordination. Une fois son service terminé il intègre la Gauche Prolétarienne dès sa fondation où il devient un militant actif. Combatif, il est licencié après avoir tagué les voitures des cadres de Citroën, il travaille ensuite chez Renault où son chef de service reçoit un pot de peinture pour protester contre les licenciements et le harcèlement de la hiérarchie contre les ouvriers, il est à nouveau licencié pour avoir vendu la Cause du Peuple, le journal de l’organisation.
Militant inlassable, il fait la redistribution de marchandises dans les bidonvilles à Nanterre après l’attaque d’une épicerie de produits de luxe, il participe à l’organisation de manifestations notamment celle pour protester contre l’enfermement des dirigeants de la Cause du Peuple, et dans les émeutes suite à l’emprisonnement d’un dirigeant de l’organisation, Alain Geismar. Il est dans le comité de rédaction du journal, qu’il fait vivre. Il participe à des sabotages dans les usines, et des actions comme l’attaque de cadres racistes qui harcèlent les ouvriers étrangers. Il agit dans les comités de lutte, comme le « Comité Palestine Renault », ou le « Comité de lutte Renault » dans lequel il reste actif après son licenciement. Il fait entrer Jean-Paul Sartre et des journalistes de manière clandestine dans l’usine Renault pour qu’ils témoignent des conditions de travail des ouvriers, il est exfiltré par ses anciens collègues qui le couvrent contre la répression. Deux semaines après cette action, le 25 février, la GP investit à nouveau l’usine Renault Billancourt et entre de force, dans le but d’appeler à la manifestation pour commémorer les morts du massacre de Charonne en 1962. Là, le chef des vigiles, un ancien parachutiste du nom de Tramoni, ayant servi sous les ordres du colonel Massu, sort son pistolet et le vise. Pierre le défie, Tramoni tire et tue le camarade.
Tramoni prend seulement 4 ans de prison, ce que la famille de Pierre considère comme un jugement de classe. Cinq ans plus tard, un commando des Noyaux Armés Pour l’Autonomie Populaire retrouve Tramoni et l’abat, vengeant le camarade. Dans les jours qui suivent sa mort, des émeutes éclatent, le dépôt de véhicules de Renault est attaqué au cocktail Molotov. Lors de l’enterrement de Pierre Overney, une foule de 200 000 personnes se rassemble pour saluer son martyr.
Ayant connu les affres d’une condition dure de vie et de travail et voyant comment le peuple est traité en France et dans le monde, comment les ouvriers étrangers sont traités par le patronat et ses chiens de garde, il a décidé de donner sa vie à la révolution afin d’établir une société meilleure. Il l’a fait entièrement, sa ténacité incroyable, sa fougue, c’est l’énergie que l’on gagne par la lutte lorsqu’on épouse le prolétariat. Pierre Overney est un héros du peuple, un authentique révolutionnaire, un exemple d’abnégation.
Il avait 23 ans le 25 février 1972 ; cinquante ans après, nous honorons son martyr.