La Corse a été souvent conquise mais jamais soumise, ce dicton n’a jamais été aussi vrai.
La Corse a connu une des premières Révolution bourgeoises du continent européen sous l’égide de Pascuale Paoli, « u babbu di a patria» (« le père de la patrie »). En 1755, la Corse se dote d’une Constitution, du droit de vote, elle est proclamé République. Pascuale Paoli crée une université à Corti (Corte) alors capitale de la République de Corse, et entreprend un début d’industrialisation. Sa Constitution inspira celles des Etats-Unis et de France. Rousseau et Voltaire furent impressionnés par cette Révolution et reconnurent la Corse comme la première démocratie d’Europe.
Colonisée par la France en 1768, la Corse connaît depuis une longue histoire marquée par le joug de l’impérialisme français. Dès 1778 la levée d’impôts directs fait souffrir la population insulaire, très majoritairement pauvre. Les routes construites le sont pour permettre aux colons de déplacer denrées et matières premières vers les ports afin de permettre l’exportation. Les proto-industries sont détruites, empêchant l’industrialisation seule capable de sortir la Corse de ses problèmes structurels. Le port d’arme est aussi interdit afin d’empêcher de nouvelles révoltes de la part de la population insulaire.
Lorsque la Première Guerre Mondiale éclate, 48.000 hommes sont mobilisés de force sous le drapeau français. Cette conscription a lieu suite à un décret spécial qui permet de mobiliser les pères de familles de plus de 3 enfants. La France mobilise jusqu’aux pères de 6 enfants, chose jamais vue depuis. En 1919, la guerre a été si meurtrière envers les bataillons corses déployés en première ligne qu’il n’y a plus assez d’hommes pour faire tourner les terres agricoles.
Ce sont ensuite les terres viticoles de l’île qui sont attribuées aux Pieds-Noirs. Initialement réservées aux Corses, la perte de celles-ci associée à la fréquentation touristique en hausse et à la construction de résidences secondaires provoque le flambement du prix du mètre carré.
La langue corse est dans un premier temps interdite par l’État français, interdiction finalement suspendue face à la lutte du peuple corse.
L’État impérialiste français prétend par exemple conférer des avantages au département insulaire, des aides, ou encore que la Corse bénéficie de tarifs préférentiels. Cette assertion est vraie uniquement pour l’alcool, le tabac, l’eau, les livres ou le chocolat, ce qui de toute évidence est tout sauf un moyen de promouvoir le développement du territoire.
Ainsi, c’est dans ce contexte que se développe le nationalisme corse contemporain, qui prend les armes pour exiger la fin de la domination française sur l’île dans la seconde moitié du XXe siècle. Parmi ses faits d’armes, cette lutte indépendantiste compte l’élimination du préfet Erignac, affaire dont Yvan Colonna est accusé alors qu’il a toujours clamé son innocence et qu’aucune preuve matérielle ne le lie à l’affaire.
Yvan Colonna, considéré comme un héros par les milieux nationalistes, a ainsi été victime d’une agression lâche dans un contexte de refus de discussion de la part de l’Etat français. En effet, les militants revendiquent la libération des prisonniers politiques, et à minima le rapprochement géographique des détenus politiques Corses. Le refus catégorique de toute discussion de la part du pouvoir impérialiste a conduit à la situation dramatique de l’agression d’Yvan Colonna. Cette agression l’a plongé dans un coma post-anoxique (consécutif à une privation d’oxygène du cerveau). Tandis que Pierre Alessandri et Alain Ferrandi sont toujours en détention sous le statut de « détenu particulièrement signalé », les prisonniers politiques corses se battant pour une lutte de libération nationale juste sont comparés aux jihadistes détenus dans les geôles par l’État français. En effet, ils sont assignés sous le même statut, sont enfermés dans les mêmes cellules, décrits pareil dans l’appareil médiatique bourgeois. Cette assimilation entre prisonniers politiques et jihadistes est un moyen pour la bourgeoisie au pouvoir de délégitimer la lutte pourtant, rappelons-le, juste, d’un peuple subissant l’impérialisme. Cette situation injuste, dégradante et mensongère n’est pas sans rappeler celle d’un autre grand combattant pour la liberté, Georges Ibrahim Abdallah, enfermé derrière les barreaux du «pays des Droits de l’Homme» que revendique être la France.
Face à cette situation, la famille nationaliste et surtout la population Corse ont dit stop et se sont révoltés depuis maintenant plus d’une semaine. Ils exigent ainsi le rapprochement voire la libération des détenus politiques corses, et surtout justice pour Yvan Colonna. Ils reprochent en effet à l’État bourgeois son rôle non négligeable dans l’agression, justifiant ces reproches par le fait que si les instances judiciaires françaises n’avaient pas soumis Colonna à des mesures de détention abusives, il n’aurait pas été agressé et ne serait donc pas plongé dans ce coma post-anoxique .
C’est une organisation populaire qui s’exprime en ce moment en Corse par la révolte, pas les partis nationalistes actuels qui ont depuis longtemps abandonné la lutte armée. Des gendarmes et des CRS ont renvoyés chez eux sur le continent après n’avoir pas pu débarquer du Corsica Ferries suite à une grève menée par les syndicats de marins (STC), de multiples incendies d’appartements utilisés comme résidences secondaires par des colons français ont été signalés, de nombreuses manifestations ont tourné à l’émeute en réaction à la répression des forces de l’ordre.
En effet, alors que la population Corse, et surtout sa jeunesse, ne veut plus subir et a décidé de relever la tête, la réponse de la police, du préfet et de l’Etat français est sans appel : c’est la répression. Alors que 25 personnes ont été blessées lors de la manifestation à Corti (Corte) du 6 mars 2022 qui regroupait 15.000 personnes, de nombreux jeunes Corses se sont organisés et encagoulés et ont fait pleuvoir cocktails molotovs, bouteilles de bières, boules de pétanques sur les chiens de garde de l’état impérialiste sous les applaudissements et les encouragements des manifestants. Les voitures immatriculées en France ainsi que les drapeaux bleu-blanc-rouge sont brûlés, les marqueurs de la présence française en Corse sont attaqués.
Depuis le début des manifestations c’est, comme toujours la jeunesse Corse qui se saisit largement du combat pour réclamer justice pour Yvan, et plus largement pour l’indépendance de l’île. Des blocus ont été organisés dans les collèges et lycées de l’île, les jeunes ont pris la rue protester, en particulier devant la préfecture de Bastia où des poubelles ont été incendiés ainsi que des drapeaux français, les policiers ont été visés de nouveau par des cocktails molotovs et des bombes agricoles.
En tout ce sont les lycées Fesch, Lætitia, et Saint-Paul d’Ajaccio, du Fangu et de Montesoro à Bastia, le lycée de Porto-Vecchio et le collège de Vico qui ont vu des banderoles déployées à l’entrée. Au collège de Baleone, les élèves se sont rassemblés devant les grilles et à Sartène le lycée Georges Clemenceau a été bloqué par les élèves.
L’État bourgeois français tente de jouer la carte de l’apaisement, mais réprime violemment les justes demandes de la population corse à travers son pantin, le nouveau préfet de Corse « Amaury de Saint-Quentin », un descendant de colon de la pire espèce « originaire » de Nouvelle Calédonie. Il est le fils de Guy de Saint Quentin, ingénieur de la société Le Nickel, rouage clé de l’impérialisme français en Nouvelle Calédonie et à l’origine de la destruction de la biodiversité, de l’air empoisonné et du déplacement des populations Kanaks. Passé par le 13ème arrondissement de Paris, le cabinet d’Edouard Balladur et de Jean de Boishue, conseiller au ministère de la défense en 2002 puis au ministère de l’Intérieur en 2007 de Michèle Alliot Marie, il a été nommé préfet d’Ardèche en 2008 puis préfet de Guadeloupe en 2011 et de la Réunion en 2017 avant d’être nommé préfet de Corse le 16 février 2022.
Pour faire face à la colère grondante, l’État français tente de maintenir «l’ordre» par des méthodes militaires de contre-insurrection employées depuis des décennies sur les territoires sous domination directe de l’impérialisme français.
La situation est ainsi plus que tendue sur ce territoire colonial français, entre un impérialisme pourrissant qui cherche à maintenir son emprise mortifère sur l’île et la population locale qui se soulève à nouveau contre ce pouvoir injuste qui n’a selon elle rien à faire sur leurs terres.
Aux appels hypocrites au calme répondent les mots d’ordre «Gghjustizia pà Yvan» (justice pour Yvan), «Yvan fratellu nostru» (Yvan notre frère), ou encore «Statu francese assassinu» (État français assassin).
Tous les démocrates sincères doivent soutenir le juste droit à l’autodétermination de la nation Corse.
Discours de Pascuale Paoli avant la Bataille de Ponte-novu en 1768 perdue par la Corse contre les Français :
Braves Corses, courageuse jeunesse, mes chers et généreux compatriotes !
Toutes les Nations qui furent zélées pour leur liberté, comme l’est la nôtre, éprouvèrent des vicissitudes qui ont éternisé leur nom. On a que des peuples, non moins courageux, non moins puissants que nous, ont détruit la haine et fait échouer par leur fermeté les desseins démesurés de leurs ennemis. Si pour maintenir la liberté, il ne fallait rien de plus que de désirer, certainement tout le monde en jouirait. Mais ce précieux joyau ne peut s’acquérir que par la vertu et le courage qui font triompher de tous les obstacles. La condition et les prérogatives d’un peuple libre sont trop considérables pour pouvoir en donner une juste idée ; aussi sont-elles l’objet de l’étonnement et de l’envie de tous les hommes. Maintenant, intrépide jeunesse, voici le moment le plus critique.
Si nous ne nous forçons de braver le danger qui nous menace, c’est fait de notre réputation et de notre liberté. En vain jusqu’à ce jour nous nous sommes consolés par la considération de notre héroïsme. En vain nos ancêtres et nos chefs se sont donné tant de pénibles soins ; en vain ils ont répandu tant de sang d’une manière si glorieuse. Non, fameux et magnanimes défenseurs, qui avez sacrifié votre vie pour nous obtenir et conserver notre liberté, ne craignez pas que vos descendants vous fassent rougir de honte. Ils sont fermement résolus de suivre vos glorieuses traces, et de mourir plutôt que de porter le joug.
On nous fait craindre d’avoir à mesurer nos armes contre celles des Français ; c’est ce que nous ne pouvons nous imaginer. Jamais nous ne croirons que le Roi Très-Chrétien, après avoir été médiateur dans notre différend avec les Génois, devienne aujourd’hui notre ennemi, et que Sa Majesté s’unisse assez étroitement à la république de Gênes pour vouloir soumettre un peuple également libre et plein de grandeur âme. Néanmoins au cas que la chose fût aussi réelle qu’elle paraît être, et que le plus grand des monarques du monde s’armât pour faire la guerre à une nation si faible et si peu nombreuse, nous devons tout espérer de notre courage. Persistons fermement dans la généreuse résolution de vivre et de mourir indépendants. Ce discours ne s’adresse point aux âmes lâches et timides. S’il s’en trouvait de telles parmi nous, nous les renoncerions pour nos compatriotes.
Tous les dignes corses sont animés du plus beau feu, du plus intrépide courage, du zèle le plus ardent pour la liberté. Je compte autant de héros que de Corses. Voici l’occasion de vous montrer dignes de vous. Des troupes étrangères ont débarqué sur nos côtes pour risquer leur vie en sauveur d’une République tyrannique. Craindrions-nous de sacrifier la nôtre pour notre liberté et notre conservation.
Généreuse jeunesse, chacun de nous est convaincu qu’il ne peut survivre à la perte de là liberté, à la ruine de la patrie. Jurons-tous de défendre l’une et l’autre jusqu’à la dernière goutte de notre sang. II n’est pas aisé de vaincre un peuple libre, et rien n’est impossible aux âmes nobles et magnanimes. »