Ce dimanche 3 octobre, le consortium international des journalistes d’investigation a révélé un vaste scandale d’évasion fiscale à l’échelle internationale. Les journalistes qui ont mis cette affaire au goût du jour ont enquêté après s’être procuré plus de 12 millions de documents, en provenance d’une source anonyme. Au total, ce sont 300 responsables publics, 15 figures politiques majeures, 35 chefs d’État ou anciens chefs d’État, 130 milliardaires, et de nombreuses stars du show business qui sont épinglés par ce nouveau scandale. Pourtant, ces nouvelles révélations ne semblent étonner personne.
Au fond, les Pandora Papers, on était déjà au courant avant d’être au courant. On savait avant de savoir. Aujourd’hui, après les nombreuses révélations sur des systèmes de fraude et d’évasion fiscale à grande échelle, qui est encore étonné de voir des politiciens voyous, des patrons milliardaires et des stars du show business frauder l’impôt, dissimuler leurs revenus, faire des montages financiers complexes pour économiser toujours plus ? Finalement, les Pandora Papers auront juste mis des noms et des visages là-dessus, les noms et les visages de ceux qui se sont fait prendre la main dans le sac : Dominique Strauss-Kahn (ancien Président du Fond Monétaire International), Shakira (chanteuse mondialement connue), Elton John (chanteur mondialement connu), Abdallah II (roi de Jordanie), Tony Blair (ancien premier ministre britannique), Najib Mikati (premier ministre libanais), Andrej Babis (premier ministre tchèque), Uhuru Kenyatta (Président du Kenya), Guillermo Lasso (Président de l’Équateur) et bien d’autres, parmi lesquels de nombreux hommes d’affaire multi-milliardaires.
Sur la forme, les Pandora Papers auront permis de révéler les mécanismes profonds de cette fraude massive. Mais sur le fond, ils n’auront rien révélé du tout. Cela fait bien longtemps que la majorité de la population sait que les politiciens, les patrons, les stars, fraudent, volent dans les caisses, corrompent et se font corrompre. Même si on ne connaît pas toujours les détails de ces affaires, on le sait, car c’est évident : leur système économique et politique est conçu sur notre exploitation, sur le fait que, pendant qu’on travaille, eux, ils s’en mettent plein les poches. Et même ça, ça ne leur suffit pas, il faut qu’ils fraudent encore pour éviter l’impôt, pour payer toujours moins. Mais au fond, même quand ils ne fraudent pas, quand ils respectent les lois, leur fortune est quand-même issue du vol : le vol des fruits de notre travail, le vol de la plus-value que nous produisons chaque jour. D’où vient la fortune d’un grand patron, si ce n’est du travail de ses salariés ? D’où vient la fortune d’un politicien, si ce n’est de son salaire payé sur les impôts et taxes que nous payons toutes et tous ?
Tous ces politiciens, ces grands patrons, ces stars, qui fraudent, qui dissimulent de l’argent sur des comptes off-shore, ce sont les mêmes qui nous expliquent que les temps sont durs, que les finances de l’État se portent mal et que nous devons nous serrer la ceinture. Ou bien ce sont les mêmes qui se prétendent « de gauche », combattants de la justice sociale, défenseurs de la veuve et de l’orphelin, comme Tony Blair ou Dominique Strauss-Kahn. Et pourtant, leurs actes démontrent, une fois de plus, que leurs beaux discours sont d’une hypocrisie inégalable : ils nous disent que l’État n’a plus d’argent pour payer les aides sociales, les écoles, les hôpitaux, etc, mais ils fraudent et contribuent ainsi à l’appauvrissement de l’État, qui les défend pourtant. Ils nous disent qu’il est nécessaire de lutter contre les inégalités sociales, mais ils fraudent et mettent leur fortune bien à l’abris pour éviter de payer quelque centime d’impôt que ce soit.
Les Pandora Papers, énième scandale après les lux leaks de 2014, après les Panama Papers de 2016, après les OpenLux de 2021, ne sont qu’une révélation supplémentaire. Ces révélations apportent de l’eau à notre moulin quand nous, comité de rédaction de Nouvelle Époque, disons qu’il est temps de balayer la maison, d’exproprier les expropriateurs, de reverser ce système. Car ce n’est pas en renforçant les mécanismes de contrôle ou en mettant quelques amandes à des fraudeurs qu’on réglera le fond du problème. C’est en changeant radicalement ce système, en permettant aux larges masses populaires de prendre le contrôle de l’économie, de l’organisation de la production afin de faire advenir un système réellement démocratique. De la même manière, le traitement médiatique de cette affaire démontre à quel point nous, Nouvelle Époque, avons raison de dénoncer le monopole capitaliste sur les médias : la couverture médiatique de ces révélations a été très faible, particulièrement dans le paysage audiovisuel. Qui a vu ce scandale à la une de son journal télévisé ? Cette affaire est-elle évoquée par tous les candidats à la mascarade électorale de 2022 ? Non, une fois de plus, grands médias et politiciens travaillent main dans la main pour nous convaincre que, au fond, le système dans lequel on vit n’est pas si mal.
Si le temps de l’étonnement est passé depuis bien longtemps, le temps de l’action, lui, se conjugue bien au présent.